Télévision sur le mobile : les clés pour comprendre

par tristan Ven 24 Mar 2006, 13:57

Importante agitation autour de la télévision sur le téléphone portable. Opérateurs, chaînes de télévision et diffuseurs affûtent leurs armes en attendant le feu vert du CSA et du gouvernement. Quels enjeux ? Quel calendrier ? La France a-t-elle déjà pris du retard ? imédias.biz, en collaboration avec Mobiles magazine, vous donne les clés pour mieux comprendre.

La télé mobile trônait sur tous les stands du CeBiT et du 3GSM World Congress, les deux plus importants salons dédiés aux nouvelles technologies venant de fermer leurs portes à Hanovre en Allemagne et Barcelone en Espagne. Samsung y présentait fièrement le P900 (en photo), son mobile vedette capable de recevoir dès juin tous les matchs de foot de la coupe du monde en temps réel, en mobilité bien sûr et en qualité numérique. Si les Allemands s'apprêtent donc à transformer leur mobile en zapette, les Français, eux, devront encore patienter.

Quatre expérimentations, deux normes

Qui dit nouvelle télé, dit nouveau réseau pour la diffuser. Quatre expérimentations sont actuellement menées sur les fréquences attribuées temporairement par le CSA à Paris. TDF d'un côté, Canal+, SFR, Nokia et Towercast de l'autre puis Orange, TF1, TPS, M6 et Bouygues Telecom testent une même norme de diffusion, le DVB-H (Digital Video Broadcast). Parallèlement, TF1, VDL et Bouygues Telecom essayent une autre norme, le T-DMB (Terrestrial Digital Multimedia Broadcasting). Le DVB-H, déclinaison mobile de la TNT, a été aujourd'hui adopté par la plupart des pays européens. Son atout ? Une diffusion de masse à partir de plusieurs antennes dans les grandes villes. Peu gourmande en énergie des mobiles auxquels elle s'adresse, elle nécessite en revanche une densification importante du réseau pour la réception des programmes à l'intérieur des bâtiments. Son concurrent, la norme T-DMB, promet elle une large diffusion à partir d'un seul site de diffusion, avec une meilleure qualité mais un nombre plus restreint de chaînes.

Que devient la 3G ?

Pourquoi tester ces deux normes alors que les réseaux haut débit Edge et 3G des opérateurs mobiles permettent aujourd'hui de recevoir la télévision sur notre téléphone portable ? « L'âge de pierre, c'est le réseau télécom. L'âge d'or, c'est le broadcast » résume Nonce Paolini, Directeur délégué de Bouygues Telecom. Didier Quillot, PDG d'Orange contredit « La télé sur nos mobiles avec l'Edge et la 3G, ça marche ! Nous avons 350.000 clients réguliers ! ». Il oublie de préciser que hors promotion, le prix d'accès est exorbitant, chaque minute consommée étant facturée. Autre lacune pointée du doigt par Bouygues Telecom, les réseaux télécoms. Ils ne sont en effet absolument pas adaptés à une diffusion de masse. En cas d'un nombre trop important de connexions simultanées par exemple, le réseau sature, quand le DVB-H et le T-DMB sont capables d'arroser des milliers d'abonnés à partir d'une seule et même antenne...
Mais qu'Orange se rassure, la 3G sera complémentaire. Grâce à elle, les programmes diffusés sur nos mobiles deviendront interactifs. On pourra par exemple voter pour un candidat lors d'une émission de télé-réalité d'un seul coup de stylet.

Les utilisateurs déjà emballés

Les expérimentations, en cours depuis le mois de septembre, ont livré leurs premiers enseignements. Un Nokia 7710 en poche, les 500 testeurs SFR regardent la télévision 20 minutes par jour en moyenne. Sept sur dix se sont déclarés plutôt ou très satisfaits de l'utilisation du service, 68 % seraient même prêts débourser 7 euros par mois pour y goûter ! Autre donnée importante, le lieu de consultation : un abonné sur deux regarde la télé mobile depuis... son domicile ! Le téléphone portable s'affirme ainsi comme un média de substitution, et non comme un média de complément comme l'espéraient beaucoup d'acteurs. Enfin, l'appétit confirmé des clients pour regarder la télévision dans les transports en commun donnera lieu à des expérimentations à Paris dans les stations de métro Concorde et Place d'Italie.

Des mobiles déjà prêts

Du côté des fabricants, on s'impatiente. La technologie est prête, les tests menés concluants et les premiers mobiles capables de recevoir les programmes en mobilité commencent à montrer le bout de leur antenne, à l'image du N92 de Nokia entièrement dédié à la télé. Sagem, BenQ-Siemens, Samsung et consorts reconnaissent avoir dans leurs cartons depuis plusieurs mois des terminaux compatibles. Mais tous attendent en France le feu vert du CSA. Les chaînes sont elles aussi dans les starting-blocks. Outre leur présence sur les futurs bouquets mobiles, certaines travaillent à des canaux dédiés au téléphone portable. LCI propose déjà « LCI Mobile » sur les bouquets 3G, i>Télé devrait lui emboîter le pas dans quelques semaines pendant que Pink TV concède travailler activement sur le sujet.

Un lancement commercial fin 2006 ?

Modèle économique, modalité de déploiement d'un futur réseau et calendrier restent encore à définir. On parle, au mieux, d'un lancement dans l'Hexagone fin 2006, courant 2007. A la lumière des expérimentations qui ont été menées, le gouvernement devra d'abord trancher sur la norme à utiliser, le DVB-H ou le T-DMB, un peu comme il avait du choisir entre le Mpeg 2 et le Mpeg 4 pour la TNT. Une fois ce choix acté, le CSA attribuera alors ses fréquences. « Nous faisons un important lobbying auprès du Conseil pour accélérer les choses » précise Xavier des Horts, Responsable de la communication chez Nokia France. Seul hic, les fréquences restent une ressource rare. Mais TDF garantit qu'il y a de la place pour le DVB-H aujourd'hui : « Nos études montrent qu'une couverture des zones urbaines de plus de 100.000 habitants est possible ». Malgré cet enthousiasme, certains continuent d'évoquer la mort du système analogique - à l'horizon 2011 - comme solution à la libération de fréquences. « Aucune inquiétude, nous serons au rendez-vous de ce nouveau défi » a tenté de rassurer lors d'un forum sur le sujet Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture. Peut-être ! Mais dès juin, pendant que la France continuera à se poser des questions sur la norme à adopter et les fréquences à attribuer, l'Italie inaugurera le premier réseau commercial européen.