Elodie Frégé: «J’ai déjà eu ma dose de célébrité» (22 juillet 2013)

Elodie Frégé: «J’ai déjà eu ma dose de célébrité»


«L'invitée du lundi» • Lauréate de la Star Academy, la Française a su échapper à ce lourd héritage en travaillant entre autres avec Benjamin Biolay. Avec son quatrième album, elle s’impose comme une auteure-compositrice de talent.
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Perchée en permanence sur des talons de dix centimètres, minimum, Elodie Frégé ne vit pas vraiment à la même altitude que le reste de l’humanité. Ce n’est pas pour autant qu’elle prend la grosse tête, tout là-haut. Dix ans après sa victoire lors de la troisième édition de la «Star Academy», émission de télécrochet diffusée sur TF1 qui a également vu éclore d’autres carrières plus ou moins heureuses, de Jenifer à Olivia Ruiz en passant par Nolwenn Leroy, la jeune Bourguignonne de 31 ans mène aujourd’hui sa carrière comme elle l’entend. Et avec brio. En 2004, elle sort un premier album éponyme formaté par les grandes têtes pensantes du marché du disque dans lequel elle a eu le malheur de poser un jour l’escarpin. Succès populaire, désastre critique. Deux ans plus tard, avec «Le Jeu des 7 erreurs», un disque sculpté par le très habile Benjamin Biolay, la courbe s’inverse. Hélas, il y a des fois où qualité et adhésion du public sont deux variables inversement proportionnelles… Avec «La Fille de l’après-midi» (sorti en 2010) et «Amuse bouches», son tout nouvel opus, Elodie Frégé a su s’imposer véritablement comme une auteure-compositrice inspirée, proposant sa propre recette en se jouant habilement des clichés et puisant chez Serge Gainsbourg ou Françoise Hardy les ingrédients manquants.

- Sur «Amuse bouches», votre plume célèbre tous les vecteurs de la féminité, des bas résille («Mes bas») aux lèvres pulpeuses («Ma bouche»), et s’amuse du jeu de la séduction («Comment t’appelles-tu ce matin?», «Dans l’escalier»). Etes-vous cette femme fatale que vous affichez avec provocation ou est-ce un personnage?

Elodie Frégé: La sensualité, l’érotisme et même le sexe, tout cela fonctionne par codes, c’est quelque chose de suggéré, de subtil. Ce n’est pas du tout une histoire d’apparence physique. C’est une thématique qui est venue assez naturellement quand j’ai écrit ces chansons car j’avais tout cela en moi depuis quelques années déjà. En fait depuis «La ceinture» (chanson un peu grivoise que lui avait écrite Benjamin Biolay en 2006, ndlr).

- Est-ce difficile d’être ainsi constamment sur le fil, jouant la provocation mais sans tomber dans la vulgarité? C’est une grosse prise de risques car la frontière entre les deux est fine…

Je trouve surtout ça amusant. Et le risque est faible car la vulgarité n’est pas quelque chose que j’ai en moi. Moi, je préfère jouer sur le registre du mystère. Et puis, la vulgarité peut prendre plusieurs formes. Un artiste qui écrit des chansons contre la guerre, juste pour faire dans le politiquement correct, ça c’est vulgaire. Ou alors mon premier album était, par exemple, assez vulgaire car ce disque ne ressemblait pas à ce que je voulais vraiment faire.

- Avec l’adoption en mai dernier de la loi Taubira, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, la France a vécu un petit mai 68 ces derniers temps. Votre album s’inscrit bien dans ce mouvement. Une coïncidence?

Une pure coïncidence! D’ailleurs, plusieurs chansons de cet album ont été écrites à l’été 2011 déjà. Et puis, ce côté sensuel, libéré, je l’avais déjà depuis les précédents albums. Mais c’est vrai que nous allons vers une époque plus orientée vers l’ouverture.

- Votre album a un petit côté bossa nova à laElis Regina. Est-ce là la patte de Marc Collin, créateur du projet Nouvelle Vague quiconsiste à reprendre des classiques de la«new wave» à la sauce bossa nova et producteur de votre album? Ou est-ce les restes de votre formation classique en guitare?

En fait, j’ai choisi de travailler avec Marc Collin car justement je voulais donner à l’album un côté bossa nova. Mais c’est vrai que, quand j’étais jeune, j’ai travaillé la guitare et étudié les guitaristes espagnols et argentins. Ce sont des sonorités particulières, qui me touchent. Et puis, je suis fan de Nouvelle Vague. J’ai d’ailleurs participé à des tournées avec eux en tant qu’interprète.

- Vous reprenez la chanson «La Fille qui fait tchic ti tchic», écrite par Serge Gainsbourg pour Michèle Mercier. A l’époque, cette chanson avait pourtant fait un flop… Pourquoi l’avoir choisie?

C’est Marc Collin qui m’a fait découvrir cette chanson. Je ne savais pas que Michèle Mercier l’avait également chantée. En fait, cette chanson fait partie de la bande originale d’un film («Une Veuve en or», de Michel Audiard, ndlr). Quand j’ai vu Michèle Mercier dans ce film, moulée dans sa robe Paco Rabanne, je me suis dit que cela collait bien à l’ambiance de l’album. I

 

 
Un prêt à rembourser…

- Est-ce que l’héritage de la «Star Academy» est lourd à porter, encore aujourd’hui, dix ans après votre victoire?

On m’en parle toujours aujourd’hui. Et on continuera à m’en parler car les gens ont besoin de repères. Mais ça ne me gêne plus car je m’épanouis aujourd’hui comme auteure et compositrice. Je suis mes instincts et mène la carrière dont j’ai envie. Au fond, je suis quand même contente d’avoir participé à cette émission car sinon je n’aurais peut-être pas pu me faire connaître du public. Mais j’ai eu ma dose de célébrité. Aujourd’hui je préfère faire de la musique, tout simplement.

- Et que vous a apporté cette aventure au niveau financier?

Les gens croient toujours qu’en remportant la «Star Academy», j’ai automatiquement gagné 500000 euros (en fait 1 million, mais elle a choisi de partager cette somme avec Michal Kwiatkowski, l’autre finaliste de l’émission, à ne pas confondre avec le cycliste polonais du même nom, ndlr). Mais en fait, c’était un prêt de la maison de disques que je rembourse petit à petit avec les ventes d’albums. Donc non, je ne suis pas riche. Mais, parce que j’écris et compose aussi pour les autres, j’ai la chance de pouvoir vivre de la musique.

- En 2010, vous avez joué dans le film «Potiche», de François Ozon, aux côtés notamment de Catherine Deneuve, Gérard Depardieu et Fabrice Luchini. Va-t-on vous revoir prochainement à l’écran?

Oui, j’ai un petit rôle dans «L’Art de la fugue» (film réalisé par Brice Cauvin avec notamment Agnès Jaoui et Laurent Lafitte, ndlr) qui sortira sur les écrans au mois de septembre. Cela me plaît de faire du cinéma, même si actuellement je me concentre plutôt sur la musique. J’aime l’idée de joindre l’image à la musique.

> Elodie Frégé, «Amuse bouches», distr. Universal.

 

BIO EXPRESS
Loin d’être une potiche!

> Naissance le 15 février 1982 en Bourgogne.

> En 2003, elle remporte la troisième édition de la «Star Academy», télécrochet diffusé sur TF1.

> En 2004, sortie d’un premier album poussif, héritage de son passage par la téléréalité.

> Révélation en 2006 avec «Le Jeu des 7 erreurs», un deuxième opus concocté par Benjamin Biolay, véritable faiseur de rois de la scène musicale hexagonale.

> En 2010, avec «La Fille de l’après-midi», Elodie Frégé se révèle être une auteure-compositrice de talent. Succès critique pour ce troisième album, même si le disque ne s’est vendu qu’à 15000 exemplaires.

> Premiers pas, au cinéma dans le film «Potiche», réalisé par François Ozon, aux côtés notamment de Catherine Deneuve et Fabrice Luchini.

nicolas maradan 

http://www.laliberte.ch/linvite-du-lundi/elodie-frege-j-ai-deja-eu-ma-dose-de-celebrite